Jean-Louis Murat, chanteur mais aussi auteur pour Julien Clerc

Jean-Louis Murat
Photo par
Vincent Desjardins

Jean-Louis Murat est un nom dans le monde de la chanson française, original, fantasque et toujours à la limite de la marginalité. Encore un artiste qui se veut libre, se méfie des médias qu’il fréquente très peu, nous privant ainsi, outre des résultats de son travail, de son incomparable regard d’un bleu unique.

En fait, c’est plutôt un ermite, un misanthrope, un solitaire qui, à l’image d’un Cabrel, fuit plutôt Paris et a une prédilection pour la vie à la campagne.

De son vrai nom Jean-Louis Bergheaud, il revendique fortement ses origines auvergnates dont non seulement il parle souvent dans ses trop rares interviews, mais où il vit la plupart du temps.
Il est né plus précisément à La Bourboule le 28 janvier 1954.

C’est un écorché vif : lui fils de divorcés, il passe son enfance chez ses grands-parents à Murat-Le-Quaire, d’où lui vient le choix, très explicite, de son nom d’artiste.

Artiste, il l’est jusqu’au bout des doigts et dès sa jeunesse. A 7 ans, il apprend la musique au sein de l’harmonie municipale .Il aime la poésie et la musique, ce qui le conduit au conservatoire où il apprend de nombreux instruments et développe son goût pour le chant .Pas question donc pour lui de suivre le chemin qui semblait tout tracé : la ferme familiale ou le métier de menuisier, comme son père, qui ne voit pas d’un très bon œil le fait que Jean-Louis Murat poursuive ses études.

Dès 17 ans, son destin « à part » s’ébauche : c’est l’âge où il passe son bac, se marie, devient jeune papa, et s’inscrit à l’université de Clermond-Ferrand, pour, finalement, divorcer et tout quitter pour voyager.

Jusqu’en 1977, il parcourt la France et l’Europe, vivotant de petits métiers (plagiste à St-Tropez, moniteur de ski à Avoriaz), indépendant et libre comme il le restera toujours dorénavant.
En 1977, lassé de cette vie, c’est le retour au pays où il décide de se consacrer sérieusement à la musique. Il n’a jamais abandonné l’écriture au cours de ces années, et fonde le groupe Clara, au sein duquel il chante, joue du saxophone et surtout écrit. Mais cette expérience collective pour lui, le solitaire, ne durera que très peu de temps. C’est William Sheller qui le remarquera le premier : il engage un temps le groupe en tant que musiciens puis lui donnera l’opportunité d’enregistrer, seul, son premier 45 tours en 1981 : « Suicidez-vous, le peuple est mort ».

Mais l’époque est plutôt celle de « Téléphone », et son style sombre et tourmenté n’attire pas le public. « Europe 1 » va même jusqu’à censurer le morceau. Pendant des années, les ventes de ses disques ne dépasseront pas les 2000 exemplaires. En 1982, il publie un mini-album de 6 titres : « Murat », et en 84 un album complet : « Passions Privées ». EMI, sa maison de disques, le jugeant à contre-courant de l’époque, rompt son contrat sans aucune pitié en 1984. De 84 à 87, on n’entend plus parler de lui : il s’isole 3 ans chez lui, en Auvergne, tentant en vain de trouver une nouvelle maison de disques.

C’est l’année 1987 qui le voit enfin sur le devant de la scène : il signe, chez Virgin, une de ses chansons-phare qui sera enfin un énorme succès public : « Si je devais manquer de toi ». Son public s’élargit, mais il cultive sa différence, ce qui l’empêche de figurer à un quelconque hit-parade. Néanmoins, il est toujours engagé dans sa recherche musicale et « se frotte » à tous les styles : acoustique, électronique, pop, classique. Comme dans tout ce qu’il entreprend : Tout sauf la routine, voilà son credo.

Rencontre avec Julien Clerc

Son troisième album « Cheyenne Autumn » en 89 se vend à plus de 100 000 exemplaires : il rassemble certains des plus beaux titres de Murat, dont « L’Ange Déchu », magnifique chanson dont Julien fera une adaptation très personnelle et superbe qu’il sortira en 45 tours et qu’on retrouve avec bonheur dans les inédits de la compil 68/98.Son écriture particulière séduit d’autres chanteurs comme Johnny, Sylvie Vartan. En 1990, on peut entendre dans l’album « Fais-moi un place » le titre « Le Verrou » qu’il a écrit pour Julien.

Puis dans l’album, « Julien», on retrouve le titre « Quand Femme Rêve », aux accents très «Roda-Giliens», sublimés par une superbe mélodie de Julien: c’est assez hermétique, mais très poétique et c’est le principal!

 

Tout en restant fidèle à ses origines paysannes, il fait quelques concessions au show-business, et aborde même le cinéma. En 90, il tourne dans « La Vengeance d’une Femme », sous la direction de Jacques Doillon au côté d’Isabelle Huppert et Béatrice Dalle. Toutefois, aucun des films auxquels il a participé ne rencontre un grand succès. En 91 sort « Le Manteau de Pluie », encensé par la critique .Il accepte aussi de se prêter à l’exercice du clip, comme en 91 où il tourne en Hongrie celui de « Regrets », enregistré avec Mylène Farmer.

Disques, cinéma, mais surtout tournées : Il recrute 6 musiciens par petites annonces. Ce n’est pas un exercice facile pour lui, il s’y révèle toujours aussi peu à l’aise. Cependant la tournée qu’il fait suite à la sortie de « Vénus » en 93 dure presque 1 an et se termine par 3 concerts exceptionnels à Paris qui donneront lieu à un album live. En 95, il s’exile un temps à Londres où il trouve l’inspiration pour son nouvel opus « Dolorès » qui sort en septembre 96 et donne lieu à une nouvelle tournée confidentielle, où il se trouve seul sur scène avec un musicien aux claviers.
En 99 sort « Mustango » qui marque une nouvelle étape dans sa carrière : les thèmes abordés sont plus violents, la musique plus agressive.

Il surprend encore en 2001 avec la sortie de « Madame Deshoulieres », un ensemble de poèmes du XVIII siècle, qu’il met en musique mais dont il réserve l’interprétation à Isabelle Huppert.
En 2002 sort « Le moujik et sa femme », sorte de retour à la chanson populaire, en 2003 « Lilith » : 23 morceaux aux textes parfois sombres, mais toujours empreints de poésie. Son dernier album date de 2004, sous le titre bizarre de « A Bird On a Poire ».

Comme on le voit, sa production est dense et ses disques sortent à une cadence plus forte que celle de la plupart de ses « collègues » qui prennent en général des pauses de 3 ou 4 ans au moins entre chaque album. De son propre aveu, il pourrait sortir 2 albums par an…

Ce chanteur au parcours atypique a aujourd’hui son public.

Original est le terme qui lui va le mieux, pratiquant le paradoxe : solitaire mais faisant un métier public, marginal et pourtant intégré à son époque (il milite au sein d’Amnesty International), jamais là où on l’attend.

Le 25 mai 2023, le rideau tombe, l’ermite nous quitte pour l’au-delà.

Musique 18 CD de Julien Clerc
Coffret 18 CD :
Intégrale 1968-199

Fais moi une place
Fais-moi une place
Julien 1997
CD Julien 1997

Ma préférence
Ma préférence

 

Si vous voulez en savoir plus sur cet auteur, je vous recommande ce blog extrêmement bien fait : sur Jean-Louis Murat.